Avant-propos
J'ai pris la route vers l'Orient pour la première fois il y a 30 ans, mais je ne savais pas encore que c'était pour l'Orient. Je partais pour la Grèce, celle de mes manuels scolaires, mais plus que la source de notre civilisation, j'y ai cueilli ce que l'Orient y avait laissé. Je fus séduit par le soleil brûlant et la poussière, l'olivier exotique et une " barbarie ", autrement dit une authenticité brute insoupçonnée. De là, il a suffi de tirer sur le fil : la Turquie, puis l'Iran, l'Afghanistan, le Pakistan, l'Inde, mais aussi l'Arabie, les Emirats Arabes Unis, où j'ai séjourné quatre ans, la Syrie où j'ai vécu trois ans. Un contact intime avec le Machreck, mais toujours cette attirance plus à l'Est, ces retours vers l'Inde fascinante avec sa complexité et ses contrastes. Dans ce fil oriental il est, je crois, une ligne de spiritualité. Le mysticisme est une spécialité traditionnelle de l'Orient : Mevlana, Djalal-ed-din Roumî, Krishmanurti, Tagore, Tilopa, Milarepa, etc… Cette liste semble hétéroclite d'un point de vue classificateur, scolaire ; mais j'ai quitté l'enseignement scolaire pour la " vie d'artiste ", après avoir passé une quinzaine d'année à la chaire professorale, du collège à l'université. J'ai même commis, comme disent les Chers Confrères, une thèse de littérature sur le paysage dans le récit de voyage. Le peintre ne pointait-il pas déjà le coin de son œil rond ? Volney, Chateaubriand, Lamartine, Flaubert, que de belles et riches rencontres, mais le défaut rédhibitoire de ce genre d'exercice, aussi exaltant intellectuellement soit-il, est qu'il se trouve placé hors de la vraie vie. La seule activité vivante de l'universitaire littéraire est de remuer les poussières qui se sont accumulées sur de vieux bouquins. Ce livre est en quelque sorte le semblable et le contraire de cette thèse, en même temps. Le semblable parce que ça parle toujours de paysage et de récit de voyage, mais le contraire, car au lieu d'un livre sec, qui n'est que l'expression du mental, celui-ci est un livre de vie, un livre du cœur. Ecrit à cœur ouvert, sans tricher, c'est un livre de vie car ce sont les mois passés au Népal qui sont retranscrits ici : les bonheurs du chemin, les difficultés pour respirer, l'immensité des paysages, la transpiration et l'exaltation des sommets.
Il est clair que le Népal n'est pas le paradis sur terre, que c'est un pays à propos duquel on peut parler de corruption, de travail des enfants, de sexisme, de racisme et d'autres maux.. Mais ces carnets de voyage ne sont ni un réquisitoire, ni un guide, ni un journal au jour le jour. On pourra toujours me reprocher de n'avoir pas abordé tel ou tel sujet, montré tel ou tel endroit, mais je n'ai aucun souci d'exhaustivité et j'ai fait des choix drastiques dans ce que j'ai rapporté. Ce que je propose, c'est de faire partager une vision personnelle, partielle, subjective du Népal, d'amener le lecteur à être complice de ce qui m'a touché, ému, dans un sens positif, depuis la plaine du Teraï où se concentre la moitié de la population népalaise, à moins de 300 m d'altitude, jusqu'au toit du monde, les Dhaulagiri, Annapurna, Ama Dablam et autre Sagarmatha, dit aussi Everest, en passant par les collines de Katmandou.
J'espère avoir fait passer dans ces Carnets le souffle de la vie et le goût de partager mes découvertes, ce que j'aime, ces petits et ces grands plaisirs du voyage.
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